[Les Émirats arabes unis et Bahreïn ont donc signé] ce 15 septembre lesdits « accords d’Abraham ». Accords de paix, accords de normalisation, la terminologie oscille. Comme si cette hésitation sémantique traduisait une incertitude. Pourtant la monstration et l’extravagance étaient de mise ce jour-là, sur les impeccables pelouses de la Maison-Blanche. « Si la photo est bonne » dit la chanson. Et celle-ci l’était à peine, malgré la mise en scène. Comme si tout cela n’était au fond qu’une vague réminiscence et mauvaise redite des accords dits d’Oslo du 13 septembre 1993. Désormais Donald Trump veut son « Noble » (sic) peace prize, comme Rabin, Arafat et Peres. Et surtout comme la Némésis de Donald Trump, aka Barack Obama.
Abou Dhabi et Manama ont « normalisé » avec Israël, en attendant l’Arabie saoudite. Ou plutôt en attendant que ne trépasse le roi Salman tant son fils, Mohamed Ben Salman (MBS), semble impatient de rejoindre le mouvement d’alignement.
Voici deux Etats arabes signant avec un Etat juif, sous les auspices du père commun Abraham et sous l’œil satisfait de Uncle Sam. Mais il faut se méfier des oncles d’Amérique. Ils ne sont pas si désintéressés que cela.
La Paix marketing
Jacques Ellul, le philosophe français et penseur de la société technicienne, estimait que « Dans une société, quand on parle surabondamment d’une certaine donnée humaine, c’est que celle-ci n’existe pas. Par exemple, si on parle surabondamment de liberté, c’est que la liberté a été supprimée ». C’est là une vérité d’éternité tant la surabondance de la parole vient parfois suppléer, supplanter, sursoir à l’absence réelle du sujet de cette même parole.
Peut-on appliquer ce « théorème » d’Ellul à ces dits accords ? Là où la parole de paix abonde, le réel de la paix fait-il défaut ? La « Paix », telle qu’elle a été trompetée par les mots et la mise en scène, n’est-elle pas qu’illusoire ?
La référence faite à Abraham interpelle de prime abord. Descendant de Sem, il est le père d’Ishmaël et d’Yitzhak (ou Ismaël et Isaac). Et de leurs descendants, les Arabes et les Juifs. Ces derniers sont donc, plus que des peuples sémites, les peuples abrahamiques. Placer ces accords sous le patronage, si j’ose dire, du père des croyants, revient à vider la question israélo-palestinienne et israélo-arabe de toute sa substance politique et nationale pour n’en faire que la persistance d’un prétendu car faux antagonisme fratricide multiséculaire enfin résolu. Une position qui est au fond celle de la droite nationaliste israélienne, laquelle n’a jamais voulu reconnaître dans les aspirations du peuple palestinien une dynamique politique et nationale singulière mais l’a toujours considérée comme la réminiscence irrationnelle d’une supposée opposition atavique.
Déplacer le conflit du terrain politique vers le terrain religieux et ontologique revient à refuser toute solution politique pour s’en tenir à des actes symboliques. Comme ces dits accords. Et puisque le symbole accompagne l’acte politique, il suffirait pour faire la « paix », en acte magique et conjuratoire, de rejouer la réconciliation fraternelle d’« Ishmaël » et « Yitzhak » sous l’égide « paternelle » d’un président américain. Lequel président, faut-il le rappeler, est très proche des cercles évangéliques antisémites et islamophobes. C’est ainsi la dimension religieuse de cette mise en scène très évangélique qui a été promue aussi, certains n’hésitant pas à citer le Psaume 133-1 : « Voyez, qu’il est bon pour des frères d’habiter unis ensemble ».
Puis pourquoi célébrer des accords comme inespérés puisque de nombreux actes concrets de rapprochement et de normalisation les avaient largement précédés. En mai 2018, Manama avait souligné le « droit d’Israël de se défendre », après des attaques israéliennes contre des positions iraniennes en Syrie. Par pointillé implicite, se faisait déjà la reconnaissance de l’État hébreu. Dès 2015, les Emirats Arabes Unis (EAU) avaient autorisé Israël à établir une présence conciliatrice à l’Agence internationale pour les énergies renouvelables à Abu Dhabi. C’est un secret de polichinelle, Israël et les Émirats ont noué des relations particulièrement étroites, quoique principalement secrètes.
Puis à y regarder de plus près, s’agit-il de faire la paix pour des Etats qui n’ont jamais été en conflit ? La résolution d’un conflit qui n’existait pas et une paix qui ne répondait à aucune guerre ne sont pas un des moindres paradoxes de ces accords. Les EAU et Bahreïn n’ont jamais tiré un coup de feu contre Israël. La vie diurne et nocturne de Tel-Aviv, comme un temps Beyrouth, faisait déjà les discrets délices de quelques riches Emiratis.
Mais la géographie fait loi géopolitique. Si aucune frontière n’est en commun entre ces pays, ils partagent quand même une aire géographique turbulente qui oblige à une communauté d’intérêt. Ces accords viennent surtout concrétiser une alliance stratégique basée sur une communauté de peur et/ou d’inimitié avec en point de mire l’Iran et la Turquie. Deux Etats « spartiates », Israël et EAU et Bahreïn, un quasi Etat croupion coincé entre ses deux puissants voisins, l’Iran et l’Arabie saoudite : voici officiellement constitué le noyau stratégique d’une alliance qui entendra sans doute peser. Significatif est donc le fait que ce soit Yossi Cohen, chef du Mossad, qui a accompagné Benjamin Netanyahou à Washington plutôt que le ministre des Affaires étrangères Gabi Ashkenazi. Sont ainsi donnés le ton et la tonalité de ces accords qui sont moins diplomatiques que l’officialisation d’une coopération sécuritaire et désormais ouvertement commerciale. En attendant la coopération militaire.
Lesdits accords insistent également sur le volet de la coopération économique. Le « doux commerce » devrait venir sceller et renforcer des liens politiques. A moins que ces liens politiques ne soient que le prétexte à des liens économiques piaffant d’impatience de se voir concrétisés. Remarquable est ainsi la promptitude avec laquelle la société de Dubaï DP World a signé un accord avec la Dover Tower israélienne à propos du port de Haïfa. L’ouverture d’une ligne maritime entre les deux pays semble déjà étudiée.
Le report par Israël de l’annexion de jure de pans entiers de la Cisjordanie en échange de la normalisation des Émirats n’est nulle part référencé comme un engagement du traité. Les accords n’offrent aucune solution concrète à l’occupation israélienne et au contrôle permanent de facto du peuple palestinien. Drôles d’accords de paix donc qui réconcilient des Etats qui n’étaient pas en guerre et n’offrent aucune solution à une situation porteuse d’orages constants et de violation du droit international. La diplomatie Trump ressemble en cela à la ville mirage de Las Vegas si familière du président américain : ersatz, verroteries et simulacres.
La guerre sous la Paix
Oui, étranges accords de « Paix » décidément qui augurent d’une région toujours plus armée et donc possiblement en proie aux guerres et conflits. Ces accords garantissent des ventes encore plus importantes d’armes offensives. C’est d’ailleurs à se demander si cela n’en constitue pas la principale raison. Sous couvert de Paix, ces accords construisent une alliance stratégique et militaire régionale redoutable. Si les Etats-Unis semblent vouloir officiellement se retirer « du sable sanglant » du Moyen-Orient, comme l’a dernièrement affirmé Trump, le pourront-ils au regard de cette alliance dont ils sont à la fois les initiateurs, les garants et in fine les fournisseurs ?
Israël vend déjà directement du matériel militaire aux Émirats arabes unis depuis environ une décennie, notamment à travers la fourniture de logiciels espions de pointe. Ces accords sont une officialisation de ces arrangements « amicaux ». Ils augurent surtout d’un paradigme désormais indépassable. Au regard de la politique américaine comme protecteur inconditionnel d’Israël, se rapprocher de ce dernier c’est aussi l’assurance de se rapprocher de son puissant parrain. Et de se voir accorder des avantages certains. La route de Washington passe plus que jamais par Tel-Aviv. Cette vérité est en passe de devenir un axiome des réalités internationales, que ce soit pour l’accès à des technologies militaires ou des avantages de protection, de développement ou commerciaux. Les Etats arabes qui ont fait et feront ce geste de « normalisation » sont dans cette simple logique d’intérêt.
Dans cette perspective, Israël devra jouer une partie délicate. Il lui faudra concrétiser l’idée que se rapprocher de Tel-Aviv c’est obtenir beaucoup de Washington. Tout en maintenant pour soi une supériorité militaire absolue dans la région. Autrement dit, il s’agit pour Israël d’accepter que des ex (et possiblement futurs) rivaux puissent accéder à des privilèges militaires tout en gardant un avantage sur eux. Pour ce faire Israël pourra compter sur sa « sanctuarisation » au cœur même de Washington. En effet, les Etats-Unis ont toujours maintenu en faveur de Tel-Aviv une ligne dite du « Qualitative military edge » (QME). Concrètement un « avantage militaire qualitatif » pour Israël qui se voit garantir l’équipement américain le plus en pointe. Ce privilège technologique, qui lui assure une puissance indéniable dans la région, est devenu en 2017 une loi qui sanctuarise ainsi cette relation particulière.
Mais qu’en sera-t-il de ce QME avec ces accords ? L’affaire des F35 illustre bien ce dilemme israélien. La vente possible de ces avions furtifs américains de pointe aux Emirats Arabes Unis menace en effet la supériorité technologique donc militaire d’Israël au Moyen-Orient.
Pourtant déjà la cacophonie ou les réticences se sont fait entendre. Si le président américain Donald Trump a déclaré qu’il n’avait « absolument aucun problème » à vendre ces chasseurs F-35 aux Émirats arabes unis, côté Israël l’embarras était net. Selon certains médias israéliens, Israël avait donné son approbation explicite ou tacite à la vente des combattants furtifs pour sceller l’accord avec les EAU. Mais en public, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a nié cette information à plusieurs reprises.
Pour garder cet avantage militaire acquis, Israël ne peut qu’être toujours plus abreuvé par les armes américaines. Ce qui rendra inévitablement cette société toujours plus militarisée et brutale. Le pays se renforcera en Sparte du Moyen-Orient qui offrirait ses services de sous-traitance militaire et sécuritaire aux potentats de la région. Ces accords risquent dès lors de faire d’Israël le nouveau gendarme du Moyen-Orient à qui seront sous-traitées les questions sécuritaires des Etats alliés qui craignent pour leur stabilité.
C’est aussi la certitude pour Israël de voir maintenu et renforcé le lien de dépendance qui le lie aux Etats-Unis. Dès lors où est la souveraineté concrète d’Israël ? Pas celle qu’il réclame sur les territoires palestiniens occupés mais celle qui fonde l’indépendance et l’autonomie militaire. Se renforce là une paradoxale vassalisation vis-à-vis des Etats-Unis, qui le fait tout à la fois pays inféodé et « primus inter pares » que Washington place au-devant de ses priorités. Or la question que devrait se poser raisonnablement tout dirigeant israélien est « ce soutien du puissant suzerain américain est-il sûr et acquis ? ». L’admonestation de Mike Pompeo à Israël quand ce dernier a fait mine de conclure avec la Chine des accords commerciaux de développements et d’investissements devrait faire réfléchir. Les Etats-Unis entendent rester l’unique parrain d’Israël. Une relation exclusive qu’il faudra tenir et accepter et qui, au regard du désengagement et crépuscule américain, pourrait s’avérer encombrante.
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Ces accords sont aussi un mauvais signal au monde arabe puisqu’ils actent la victoire d’un camp israélien-émirati-saoudien soutenu par les États-Unis. Autrement dit du camp conservateur et réactionnaire qui n’a eu de cesse de s’opposer, voire de saper les mouvements révolutionnaires du monde arabe. Ces accords offrent aux dirigeants des pays du Golfe une police d’assurance américano-israélienne face aux grands rivaux que sont l’Iran et la Turquie. Ils renforcent de facto une ligne de fracture, voire la constitution d’un axe rival unifié rassemblant l’Iran et la Turquie. D’autres Etats pourront s’y greffer aussi. En matière de relations internationales, l’ennemi commun est un bon mortier pour les alliances les plus improbables.
Si ces accords tendent au fond à effacer la question palestinienne, ils peuvent avoir pour effet paradoxal de la remplacer par ce qui pourrait bien devenir « la question israélienne ». S’esquisse alors la perspective où cette question pourrait devenir toujours plus centrale, dessinant une ligne de fracture non seulement dans le monde arabe mais plus largement dans les pays du Sud et les pays occidentaux travaillés par le passé colonial. De part et d’autre de cette ligne de fracture, les Etats qui se rapprocheront de l’Etat israélien, avec pour marqueur de ce rapprochement le transfert de leur ambassade à Jérusalem. Et en face, ceux qui s’y refuseront, arguant d’une solidarité avec les Palestiniens et/ou d’un respect du droit international.
L’israélisation de la question palestinienne
Que disent ces accords de la question palestinienne ? Pas grand-chose. La référence n’apparaît qu’une fois sous les termes vagues et fumeux de parties qui s’engagent à continuer « les efforts pour aboutir à une juste, compréhensive et tenable résolution du conflit israélo-palestinien ». C’est tout. L’à-côté des accords ont déjà fait entendre une cacophonie certaine. Selon le Premier ministre israélien l’annexion prévue par le « deal du siècle » reste « on the table ». Pour Donald Trump, tout est gelé jusqu’en 2024. L’affirmation de Netanyahou selon laquelle « la paix contre la paix » a remplacé « la terre contre la paix » n’est pas crédible, mais il offre un récit alternatif puissant. La terre contre la paix a conduit au premier accord entre Israël et l’Égypte et, dans une certaine mesure, à la paix d’Israël avec la Jordanie. Désormais le second pan de « normalisation » devrait ouvrir la voie à d’autres accords bilatéraux. Du moins c’est le pari fait.
L’autorité palestinienne a crié d’abord au poignard figé dans le dos. Pourtant cette accusation de trahison arabe aurait supposé la préexistence d’une solidarité déterminante pour obtenir les droits des Palestiniens. Or l’approche panarabe sur la question palestinienne s’est effilochée dès 1979 avec le traité de Paix entre l’Egypte et Israël. Puis avec la Jordanie en 1994. Depuis Gaza peut témoigner que cette « solidarité fraternelle » n’est qu’illusoire. La position arabe s’en tenait au plan de paix de 2002 à l’initiative de l’Arabie saoudite, qui prévoyait le retour d’Israël aux frontières de 1967 et la création d’un État palestinien contre la reconnaissance d’Israël par les pays arabes. Ce « plafond de verre » selon l’expression de Yossi Cohen, a donc volé aux éclats.
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Depuis, le consensus rhétorique conduit par la Ligue arabe n’a pas empêché que se créent et se développent des rapprochements bilatéraux. Au fond, ce consensus a été l’utile et commode paravent qui permettait de croire (ou faire semblant) à une solution politique. C’est le même schéma vicié qui se devine depuis les Accords d’Oslo et la dynamique de négociations pour une solution à deux Etats qui a suivi. Pendant que se perpétuait cette fable rassurante, continuait tout autant la colonisation et la mise au pas coloniale de tout un peuple. L’honneur ou les apparences diplomatiques et respectueuses du droit international restaient saufs pour les grands parrains internationaux, de l’Union européenne à l’ONU. Et dans une moindre mesure les Etats-Unis, qui selon les présidents au pouvoir, pouvaient tout autant ne pas s’encombrer de telles pudeurs ou hypocrisies.
Avec ces accords, cette fameuse et fumeuse unité arabe a volé en éclat. Oslo est mort. Sur ces cendres de l’internationalisation de la question palestinienne, les Palestiniens sont désormais obligés de redéfinir une nouvelle stratégie politique de résistance. Le membre fantôme de ces accords pourra désormais faire autrement entendre sa voix par une politique qui ne sera plus enfermée dans les préalables intenables d’Oslo, lesquels avaient transformé l’Autorité palestinienne en supplétif zélé de sa propre domination. Ces accords obligent en ce sens.
La résilience palestinienne, le fameux soumoud, est réelle. Elle est une dynamique de l’histoire que les Israéliens ont pu voir à l’œuvre, des Intifada au mouvement BDS, en passant par les différentes actions de la société palestinienne, qu’elle soit en Israël, dans les territoires occupés ou en diaspora. Déjà s’esquisse une action palestinienne qui prend appui notamment sur la diaspora palestinienne hautement éduquée et disséminée un peu partout dans le monde. La lutte nationale palestinienne s’est ainsi peu à peu déplacée vers des questions d’égalité, de lutte contre le colonialisme et de racisme. Des questions transnationales qui ne peuvent que résonner dans toutes les sociétés civiles, du Nord comme du Sud. Le mouvement Black Lives Matter aux États-Unis l’illustre bien, les bouleversements fondamentaux sont intrinsèquement liés à la lutte contre des systèmes fondés sur l’injustice. Cela est également vrai au Moyen-Orient et dans la réalité israélo-palestinienne. Les Palestiniens pourront enfin sortir des impasses d’Oslo et des ornières du panarabisme pour faire de leurs aspirations nationales une dynamique se diffusant tout à la fois à l’intérieur de la Palestine mandataire mais également dans toutes les sociétés civiles mondiales.
L’une des conséquences évidentes et paradoxales de ces accords « marketés » est l’approfondissement du refus d’Israël à arriver enfin à une solution juste et équitable avec les Palestiniens. A quoi bon désormais maintenir l’illusion d’un « processus de paix » ? Il n’y a plus d’avantages à la maintenir. Ni temps gagné pendant que rampe la colonisation. Ni couverture morale du droit international. Cette illusion rassurante est caduque puisque tout a été obtenu ou accordé par le seul autre intermédiaire qu’Israël accepte dans la question, les Etats-Unis. C’en est donc fini du multilatéralisme de façade sur le sujet. Israël semble maître en son royaume. Les Etats-Unis lui en ont fourni les clés.
Mais le refus implicite par Israël de l’option des deux États est au fond un pari à haut risque. Si ces accords sont un formidable pied de nez et fin de non-recevoir à toute ingérence de ladite « communauté internationale » dans la question israélo-palestinienne, ils ont aussi leur revers. Car le prétendu « processus de paix » permettait de croire en l’hypothèse d’une solution, même si celle-ci était toujours plus « hypothétique ». Il posait aussi sur la situation de facto en Israël-Palestine le voile pudique et rassurant d’une possible paix à venir. Désormais, cette normalisation avec les voisins arabes entraîne de facto la normalisation d’un projet d’apartheid. Son exposition au grand jour aussi.
La question palestinienne, d’internationale, devient dès lors une question purement israélienne. Benjamin Netanyahou a toujours plaidé pour que la solution ne soit jamais portée et activée par les instances internationales, à commencer par l’ONU. Avec ces accords, victoire totale pour lui donc. En apparence seulement. Benjamin Netanyahou se montre là fin tacticien mais très mauvais stratège. Car ce « processus de paix » internationalisé offrait aussi à Israël et à sa politique envers les Palestiniens un « coussin amortisseur ». Un semblant de vernis moral aussi, avec la protection qui va avec. Sans l’illusion nécessaire du processus de paix, c’est tout un échafaudage habile fait de non-dits, hypocrisies et habiletés diplomatiques qui s’écroulent ainsi. Un blanc-seing est donné à Israël. S’exposera encore plus crûment la politique menée contre les Palestiniens, sans possible « justification », dans les deux sens du terme, de la politique israélienne vis-à-vis des Palestiniens.
Dès lors que la question palestinienne devient le seul problème d’Israël, elle se trouve renforcée de facto dans sa dimension nationale. Pour les deux parties. Comme l’écrit très justement l’analyste américain Daniel Levy, « Les Israéliens peuvent, avec le temps, découvrir que l’alternative à »terre contre paix » avec les Palestiniens n’est pas »paix contre paix » mais »égalité contre paix » ». Une égalité effective, citoyenne, réelle et réclamée de l’intérieur. Israël, qui se veut un Etat juif, est-il prêt à cela ? Il est des victoires à la Pyrrhus comme il est des défaites qui obligent à une renaissance…
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Illustration : Arrivée du premier vol direct d’El Al à Abu Dhabi, le 31 août 2020, avec à bord Robert O’Brien (NSA), Jared Kushner et une délégation israélienne menée par Meir Ben-Shabbat. Crédit : Matty Stern/Ambassade des Etats-unis à Jerusalem.