[Donc le Roi s’en ira bientôt]. Il vient de l’annoncer. Il aura fallu sept semaines de manifestations pacifiques pour que tombe la décision. Un communiqué de la présidence algérienne qui annonce qu’Abdelaziz Bouteflika démissionnera avant la date du 28 avril, fin officielle de son quatrième mandat. Ou peut-être a-t-on annoncé cette décision pour lui. Car toute la question et le mystère du régime algérien est de comprendre qui est ce « on » si opaque.
L’Algérie vient donc de vivre une séquence historique; de celle qui mélange Cervantès et Alfred Jarry, Don Quichotte et le Père Ubu. Le peuple algérien a vaincu ses monstres gonflés de corruption et rapines et qui prospéraient sur la terreur de rouvrir la guerre civile. Ce peuple s’est rendu compte que ces ogres n’étaient au final que creux moulins à vent devant cette vaste bérézina si rapide, si aisée, d’oligarques et caciques du pouvoir. Le règne du président Bouteflika a commencé comme celui de MacBeth, tragique et sanglant, et finira peut-être comme celui d’Ubu, roi en exil voguant vers la France.
De ce président, si fringant et coquet ministre des Affaires étrangères de Boumediène, l’Histoire retiendra l’image d’un homme fatigué, oeil fixe, mutique sur son fauteuil roulant. Mais cette image n’est pas la seule image de l’Algérie. Ce vendredi 29 mars, Alger a connu une manifestation d’un million de personnes. Scènes de liesse au milieu d’une scène crépusculaire du pouvoir. Au milieu de la foule, il y avait cette petite dame âgée, elle aussi sur un fauteuil roulant. Mais elle n’avait rien à voir avec le président algérien. Toute empanachée de vert, de rouge, de blanc, elle jubilait d’être là. Aux côtés de cette jeunesse qui défilait, c’était aussi elle l’Algérie.
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Illustration : Alger, 29 mars 2019. Crédit [Ehko].