Comment être journaliste en Israël ? Quelle est son analyse des positions américaines, européennes et françaises sur la politique israélienne ? Gideon Levy, journaliste et éditorialiste du journal Haaretz, a répondu aux questions de [Ehko].
[La voix est nette], un peu métallique, avec des intonations gutturales hébraïques qu’on décèle dans son anglais parfait. Les mots précis ont la concision propre aux Israéliens. La fameuse chutzpah peut-être, cette façon de dire les choses sans circonvolutions. Pas de fioritures avec Gideon Levy donc. Irascible ? Surtout pas. Aimable au contraire, expliquant avec patience les jeux et enjeux de la situation. Mais en colère, indubitablement.
Qui est ce journaliste, conscience d’Israël pour certains, mauvaise conscience pour d’autres, bête noire pour beaucoup ? Selon la version officielle, qui tient désormais en une fiche Wikipédia, « né à Tel-Aviv en 1953, Gideon Levy tient dans Haaretz une chronique hebdomadaire sur des activités de l’armée israélienne sous le titre de »Twilight Zone » (zone grise) ». Levy se définit comme un patriote israélien. En tant que journaliste, son journal l’a envoyé en mission à Sarajevo pendant la guerre des Balkans. En 2015, il reçoit le Prix Olof Palme avec le palestinien Mitri Raheb ». C’est beaucoup et c’est peu…
Gideon Levy est une vigie. Et il détesterait sans doute lire cela. Lui, son métier, c’est journaliste. Et désormais éditorialiste à Haaretz. Il est aussi membre de la direction de ce quotidien de centre gauche, l’un des principaux d’Israël, avec le Maariv et le Yediot Ahoronot. Chaque semaine, ses éditoriaux s’inscrivent à contre-courant de l’idéologie nationaliste et religieuse au pouvoir. Certaines de ses chroniques furent si urticantes que le célèbre écrivain A. B Yehoshua, pourtant figure du camp de la paix, se désabonna de Haaretz et le fit savoir dans une lettre ouverte. Ce qui lui valut à son tour une réponse tout autant ouverte de Gideon Levy.
L’homme le plus haï d’Israël
« Est-il l’homme le plus haï d’Israël ou seulement le plus héroïque ? » se demandait le journaliste britannique Robert Fisk. Gideon Levy a l’insigne honneur d’avoir été considéré par les autorités comme un « risque pour la sécurité » de son propre pays. Qu’a-t-il fait pour susciter de telles colères qui avaient valu, en des temps bibliques, au prophète Jérémie de finir au fond du puits ? Quelque chose de très simple. Son métier. Presque chaque semaine pendant trois décennies, il s’est rendu dans les territoires occupés et il a décrit ce qu’il voyait. Même s’il ne peut plus se rendre à Gaza depuis 2006 (la loi israélienne empêche tout Israélien de s’y rendre), il avait raconté ces morts et souffrances qu’une partie de la société israélienne, et du monde aussi, ne voulaient pas voir. Son livre, La punition de Gaza, lui a d’ailleurs valu le sobriquet de « propagandiste du Hamas » par la droite nationaliste de son pays.
Gideon Levy aurait pu être un parfait Israélien nationaliste, persuadé de son bon droit de se défendre. Un bon Sabra ou figue de barbarie, terme utilisé pour désigner les juifs nés en Israël, piquants à l’extérieur et tendres à l’intérieur. Le pur produit de l’immigration ashkénaze, de père allemand qui avait émigré en Israël sous le mandat britannique. Errance de ce père sur ce bateau refusé par tous, de port en port. Sans ce passé familial, où l’exil avait sa place silencieuse, aurait-il vu l’offensive et l’offense perpétuelles faites aux Palestiniens ?
Sa chance a été ce métier de témoignage qui oblige à aller constater de ses propres yeux les faits. D’abord à l’armée où il travaillait à la radio militaire. Puis dans le civil où il continua ce métier. Voir puis dire. Tout est dans le regard avec Gideon Levy. Mais ne dit-on pas que les prophètes, les nabis, sont aussi les « voyants » ? Gideon Levy ne peut que dire la vérité de ce qu’il voit. Pour filer la métaphore biblique, il crie aussi parfois dans le désert de l’insouciance ou de la peur. Même s’il ne se nourrit pas de miel sauvage et de sauterelles et n’est pas vêtu d’un manteau de poils de chameau. Plutôt d’un panama et d’un trench.
A travers ses écrits, il dit ces vies blanches, les exposent avec délicatesse mais aussi avec précision et colère. Son but est simple dit-il. Réhumaniser les Palestiniens alors que tout est fait pour les déshumaniser : de l’occupation au lent étouffement de leur culture, dépossession après effacement, topographie, société, pierres, noms, villages, personnes. Les éditoriaux de Gideon Levy, et c’est leur force, ne sont pas des diatribes désincarnées. Ils racontent des vies, détaillent des histoires, nomment et restituent visages, âges et morts. De nombreux faits d’armes journalistiques déjà, tel son reportage en 1986 sur une femme bédouine palestinienne qui avait perdu son bébé après avoir accouché à un poste de contrôle. Les policiers israéliens ne l’avaient pas laissée emmener son bébé à l’hôpital. Elle l’avait alors porté à pied durant deux kilomètres, vers l’hôpital. Le bébé en est mort. Cette histoire avait été un énorme scandale.
Gideon Levy reste étonné, dit-il, de l’ignorance qu’a l’Israélien moyen d’une réalité qui se déroule souvent à quelques minutes de chez lui. La société israélienne « vit dans le déni, dans le mensonge. Mais en toute conscience. Les gens ont choisi de vivre comme ça » explique-t-il lors d’une interview à [Ehko]. Parfois ses éditoriaux délaissent la veine prophétique pour manier l’ironie, celle qui fait disjoncter l’absurde qu’engendre l’occupation par un pays surarmé qui vit par la peur, pour la peur, sur la peur. Et qui n’a peut-être plus les moyens de cette peur.
Quoi ajouter à ce portrait ? Sinon qu’il porte le prénom du père d’un des Juges d’Israël, chef du peuple juif qui n’avait encore pas de roi. Un chef militaire aussi qui continua, selon le livre biblique des Juges, la conquête de Canaan, après la sortie d’Egypte. C’est ce juge qui demanda comme double signe divin qu’une peau d’animal soit gorgée de rosée tandis que la terre autour restait sèche. Puis que cette même toison demeure sèche sur une terre où la rosée du matin s’était déposée. Jolie métaphore pour ce que fait Gideon Levy. Dire que la toison comme la terre sont à sec. Asséchées par l’occupation. Rendues arides aussi par une vie politique secouée de scandales de corruption où le Primus inter pares, Benjamin Netanyahou, est régulièrement mis en cause.
Ce que le journaliste dit, il le dit dans la ville « bulle » de Tel-Aviv. La cosmopolite et la festive. Le pendant presque asymétrique de Jérusalem, l’austère et la divisée. La ville qui tue les prophètes. A Tel-Aviv, on ne les tue pas; on les laisse dire, écrire, dénoncer. Mais on les menace aussi. Comme le fut et l’est régulièrement Gideon Levy. « La société israélienne est une société très agressive. Mais vous ne pouvez pas généraliser. Il y a des moments faciles et des moments difficiles. Quand il y a une guerre par exemple. J’ai écrit, par exemple, que ce qui se passe à Gaza est le soulèvement du ghetto de Gaza. Les gens sont alors devenus très agressifs. Mais j’ai toujours eu une liberté totale de parole ; dans mon journal, mais pas seulement là. A la télé aussi. Ce n’est pas toujours facile mais je ne peux pas dire que quelqu’un ait voulu me faire taire ».
« La solution des deux Etats est morte »
Depuis ces années à observer la vie politique israélienne, Gideon Levy a développé un sens de la formule qui ramasse en peu de mots la situation. Prenez les dernières élections législatives. Comment quelqu’un comme Benjamin Netanyahou a-t-il pu les remporter ? Comment celui qui collectionne les soupçons de corruption peut-il dominer la vie politique israélienne depuis plus de 20 ans ? Jusqu’à gagner le surnom de « Téflon bibi », sur qui rien ne colle ni n’accroche. Inatteignable jusqu’à composer une autre coalition, toujours plus vers l’extrême-droite.
La formule est simple pour Gideon Levy : « Il a créé une situation selon laquelle les gens croient qu’il n’y a pas d’autre alternative. Il dirige principalement en semant des peurs. Puis il se présente comme le seul à pouvoir protéger les gens de ces peurs qu’il a lui-même maniées. C’est un politicien très talentueux, avec une très bonne rhétorique. Il a également créé une situation dans laquelle de nombreuses personnes croient que les accusations de corruption le désignent comme une victime innocente. Ils s’identifient à lui ».
Pas un pour s’opposer à « King Bibi »? Pas même le taciturne Benny Gantz ? « Gantz n’était pas un vrai challenger et je pense qu’il disparaîtra très vite de la scène politique. Mais beaucoup de gens ont voté pour lui. En fait, ils n’ont pas voté pour Gantz, ils ont voté contre Netanyahou. Parce qu’il y a ce camp en Israël qui ne veut plus de Netanyahou ». De toute façon, Benny Gantz n’était pas si différent de Netanyahou, estime-t-il. « Après l’opération à Gaza, il a dit la même chose que le Premier ministre [Ndlr. Benny Gantz était chef de l’état-major en 2014, lors de la guerre contre Gaza dite « Opération Bordure protectrice ». Lors de la campagne électorale, il avait dit avoir renvoyé des zones de la ville à « l’âge de pierre ».]. Sur les grandes questions, comme l’occupation, il n’y a pas de différence entre eux deux ».
Le système électoral israélien, basé sur la proportionnelle intégrale, renforce l’influence politique de minorités essentielles aux coalitions. Les petits partis ultra religieux et nationalistes deviennent alors les faiseurs de roi dans un paysage éclaté. Mais le tropisme d’extrême droite que semble suivre Benjamin Netanyahou inquiète, tout comme ses amitiés affichées avec Jair Bolsonaro, Donald Trump ou Viktor Orban. Pour Gideon Levy, rien de surprenant à cela : « Netanyahou ne peut être ami qu’avec ces gens. Parce que les nationalistes et les méta-fascistes trouvent un langage commun avec les autres fascistes. Il ne peut pas être ami avec le Premier ministre social-démocrate de Suède. Ou avec Corbyn, au Royaume-Uni, parce que ce sont des personnes de conscience, qui respectent le droit international et s’opposent à l’occupation. Il ne peut vraiment aller qu’avec des populistes comme lui. Un nationaliste comme lui. Il peut oublier qui est vraiment antisémite parce qu’en fin de compte, ce qui compte, c’est de maintenir l’occupation. Cela justifie tout à ses yeux ».
L’accord du siècle ? « Une plaisanterie »
La société israélienne est faite de strates ; parallèles, hermétiques, fossilisées aussi. Ashkénazes, sépharades, russes, falachas, émigrés africains, mais aussi Français et Américains tentés par « l’alya » ou émigration en Israël. Toute une archéologie de l’immigration juive s’y décèle. Il y a aussi les autres divisions : laïcs, religieux, juif, druzes, chrétiens, musulmans. Puis il y a la stratification nationale, celle qui donne le « droit d’avoir des droits » selon le mot d’Hannah Arendt : Israéliens juifs, qui jouissent d’une démocratie complète et de pleins droits civils. Les Palestiniens israéliens ensuite, qui ont la citoyenneté israélienne mais qui sont sévèrement discriminés. Puis les Palestiniens des Territoires occupés, qui vivent sans aucun droit civil et si peu de droit humains. Soumis à la loi militaire d’exception. Eux-mêmes traités en « exception » à expulser sur leur propre terre.
Les Israéliens semblent encore s’accorder sur la solution à deux Etats. Mais chaque pierre posée, chaque terre confisquée, chaque route tracée reliant les colonies en maillage serré, éloignent cette hypothèse. Or il faut bien que des décisions politiques aient été prises et qu’elles l’aient été par des gouvernements pour qui ont voté précisément les Israéliens qui attendent cette solution à deux Etats.
La grande illusion qui pèse sur cette situation nouée de l’intérieur est celle des dits accords de paix. Un scénario qui se répète, accords après désaccords : espoir, négociations, concessions, photos pour la postérité, échec. Une ronde diplomatique absurde qui ne fait que laisser s’installer un statu quo. Mais un statu quo en rien gelé. Un statu quo durant lequel les colonies s’étendent. Le désespoir palestinien aussi. La colonisation a grandi à l’ombre de ces pourparlers de paix. Mieux, elle s’en est nourri. Benjamin Netanyahou a au moins le mérite d’avoir mis fin à cette illusion qui rassurait Européens et Américains.
Mais pourquoi Netanyahou a-t-il maintenu, un temps, cette illusion ? « Il n’en parle plus. Même quand il en parlait, c’était très facile pour lui parce qu’il savait que rien n’en sortirait. C’était le meilleur moyen de maintenir le statu quo, de ne rien faire. La solution des deux États est morte. Elle est morte depuis le moment où avec tant de colons, la situation est devenue irréversible. Nous avons maintenant près de 700 000 colons et personne ne veut les évacuer et personne n’a même l’intention de le faire. Sans évacuation, il n’y aura pas d’État palestinien. C’est une blague. Je pense donc que continuer à parler d’une solution à deux États, c’est jouer le jeu de Netanyahou parce qu’il est très clair que cela ne sera jamais. Les gens continueront à en parler, y compris en Europe, mais cela n’arrivera jamais… » détaille Gideon Levy.
Qu’attendre alors de ce que Donald Trump appelle déjà « l’accord du siècle » ? A sa façon directe, Gideon Levy appelle cet accord, qui doit être dévoilé après le mois de ramadan, « Joke of Century », la blague du siècle.
« Cela donnera juste à Israël plus d’années et de temps pour maintenir l’occupation, les crimes. Personne ne peut prendre cela au sérieux. Quand ça vient de Trump ou Kushner, qui peut prendre cela au sérieux ? Ça ne peut pas l’être parce que ce n’est pas juste. Ces gens sont totalement partiaux. Comment pouvez-vous même envisager de les écouter alors qu’ils sont si clairement du côté d’une seule partie et qu’ils sont si agressifs envers l’autre partie ? Quel genre de médiateurs peuvent-ils être ? » martèle-t-il. Cet accord du siècle ne résoudra donc rien mais ne fera qu’aménager une situation intenable. Intenable pour les Palestiniens s’entend. « J’ai longtemps pensé que ça ne pouvait continuer ainsi. Pendant de nombreuses années, j’étais sûr que tout allait exploser. Le monde s’est désintéressé de cette situation. Les Palestiniens ont d’abord perdu les États-Unis. Donc pourquoi cela ne durerait-il pas encore 50 ans ? Parce qu’Israël est si fort et que les Palestiniens sont si faibles, si divisés. Maintenant, vous voyez que les Palestiniens ont perdu. Peut-être que la prochaine génération pourrait faire quelque chose, mais je ne sais pas… ».
Même Gaza n’échappera pas à cette situation intenable. Quand bien même cette mince bande de terre deviendra inhabitable, selon l’ONU, à l’orée de 2020. Demain donc. Sa situation sanitaire dépasse l’entendement, dans le silence assourdissant du monde. « C’est une terrible prison et de temps en temps, les prisonniers essaient de résister, de protester. Mais les gardes les repoussent durement. Puis ils restent silencieux pendant quelques mois, puis encore une fois ils essaient de briser leur cage. Il n’y a pas de plan pour Gaza parce que tout le monde s’en fout. Même l’Europe ne s’en soucie pas trop. Comme les Etats-Unis. Tout le monde est devenu silencieux et indifférent. Et la catastrophe viendra. Mais tant qu’elle n’est pas là, tout le monde s’en fout ».
Le pessimisme de Gideon Levy transparaît alors… Pourtant quand tout semble perdu, il reste toujours la capacité d’énonciation, l‘urgence de la dénonciation. « Le peuple palestinien a-t-il le choix ? Il n’y a pas de solution. Ils continueront à souffrir. C’est la fin de leur rêve d’un État » avertit Gideon Levy plutôt qu’il ne prédit.
Sionisme et post-sionisme
Sa position d’éternel lanceur d’alerte (car qu’est-ce qu’un prophète sinon celui qui sonne le tocsin ?) n’empêche pas Gideon Levy de participer aussi à la vie de la cité. Lors des dernières élections, il a voté et dit clairement pour qui : « Pour ma part, j’ai voté pour la liste commune, la liste israélo-palestinienne. Parce que pour moi, c’est dur de voter pour un parti sioniste. Le seul parti non sioniste était cette liste. Je ne peux plus m’identifier à aucune liste sioniste ».
Mais alors, où se situe-t-il ? Est-il antisioniste, post-sioniste ? Appelle-t-il à l’instar d’autres à déclarer le sionisme comme une idéologie désormais close dont Israël devrait sortir ? « Je ne suis pas antisioniste. Post-sioniste serait la bonne définition. Il s’agit maintenant de créer une démocratie, rien d’autre qu’une démocratie. Les droits de tous, l’égalité. Je ne vois pas d’autre avenir juste qu’une solution à un seul Etat ».
Ceci explique peut-être son attitude vis-à-vis du mouvement BDS qui peut être jugée scandaleuse en Israël. Israël voit dans ce mouvement international une menace stratégique forte. Ainsi la dernière colère de Gideon Levy porte sur la criminalisation du mouvement par l’Allemagne. Il écrit « Un mélange de sentiments de culpabilité justifiés, orchestrés et poussés à l’extrême par l’extorsion cynique et manipulatrice d’Israël, a poussé le Parlement fédéral à adopter […] l’une des résolutions les plus scandaleuses et bizarres depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le Bundestag a défini le mouvement de boycott, de désinvestissement et de sanctions contre Israël comme antisémite. Benjamin Netanyahou et Gilad Erdan se sont réjouis. L’Allemagne devrait avoir honte ».
C’est donc avec intérêt qu’il observe les débats occidentaux qui tendent à poser une équation irréfragable entre antisémitisme et antisionisme. Comme l’a fait en France Emmanuel Macron. « C’est un débat qui occupe l’Europe et les États-Unis. Je suis vraiment désolé que Macron ait dit ce qu’il a dit. Il a ainsi montré qu’il était tombé dans le piège, dans la manipulation de la propagande israélienne. C’est systématique. Une fois qu’on qualifie quelqu’un d’antisioniste ou même d’anti-occupation, toute critique d’Israël est désormais qualifiée d’antisémite et cela fonctionne à merveille. Parce que cela paralyse l’Europe où personne ne veut être étiqueté ainsi. Et donc ils ne parlent plus du droit international, de sa violation, du maintien d’une occupation illégale, de tous ces crimes. Ils continuent à s’excuser d’être antisémites. Il y a de l’antisémitisme dans le monde, mais beaucoup moins que ce que Israël dit. Et je pense que c’est une grave erreur de tomber dans ce piège. Non, les Européens, les gens de conscience, devraient dire que nous avons le droit, davantage, le devoir, de critiquer l’occupation. Etre antisioniste même car ceci est légitime. L’antisémitisme seul n’est pas légitime. Je pense que la politique de Netanyahou, l’occupation et sa brutalité fournissent des armes aux antisémites ».
L’espoir viendra-t-il des diasporas juives, américaines surtout ? La communauté juive américaine est beaucoup plus libérale politiquement que Donald Trump. Et elle semble voir d’un mauvais œil la politique brutale du président américain, ses accointances avec des mouvements suprématistes blancs et, faut-il le préciser, antisémites. Puis la jeune génération juive américaine est peut-être moins bercée par le rêve sioniste que ses aînés. Néanmoins Gideon Levy tempère quelque peu cette analyse. « Il y a des changements, mais n’exagérons pas. L’establishment juif continue de soutenir Israël aveuglément, automatiquement, en soutenant l’occupation et Netanyahou. Oui, il y a une nouvelle génération et un nouveau camp là-bas, ce qui est très prometteur parce qu’ils sont très libéraux. Mais il y a un long chemin à parcourir car pour la plupart d’entre eux, se dresser contre Israël est quelque chose qu’ils ne peuvent encore faire. Mais ce mouvement va de pair avec des changements dans le parti démocratique. C’est d’autant plus prometteur que dans le parti démocratique, cette cause palestinienne n’avait jamais été soulevée auparavant. Deux des candidats ont déjà qualifié Netanyahou de raciste [Ndlr. Il s’agit de Bernies Sanders et de Beto O’Rourke]. Jamais cela n’avait été fait auparavant ».
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Illustration : Gideon Levy, 18 novembre 2011. Crédit : Soppakanuuna