[Pol]itique

La révolution égyptienne et la France, acte 8

[Aujourd’hui] les Egyptiennes et Egyptiens devraient fêter le 8e anniversaire de la révolution de 2011 mais ne le feront sans doute pas. Et la France y est pour quelque chose.

Huit organisations, dont Amnesty international, organisaient ce 24 janvier une conférence conjointe à Paris pour appeler Emmanuel Macron à la raison sur le dossier égyptien, qui se rendra en Egypte lundi 28 janvier. Ces dernières années, et surtout depuis 2013, elles n’ont cessé de documenter et de rendre publiques les violations graves des droits les plus élémentaires en Egypte. En vain. Dans la droite ligne de ce qu’a fait avant lui François Hollande et son gouvernement (dont il faisait partie), le président Macron continue de soutenir le Maréchal Al-Sissi, arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’État en juin 2013.

Comme les ONG, les journalistes ont pour mission d’informer le public et éventuellement les politiques. Pour de nombreux journalistes, « l’Egypte révolutionnaire » a été le premier terrain à l’étranger ou l’un des plus importants. La première expérience ou une expérience marquante. Et quelle expérience… Toutes et tous étions animé.e.s par la volonté de faire notre métier de la meilleure façon possible. Raconter la révolution et tout ce qui a suivi en décrivant les événements et en relayant la parole des personnes rencontrées le plus fidèlement possible. Inlassablement, parce qu’une révolution ne se fait pas en un jour. Puis observer la dégradation de la situation, la descente aux enfers d’une population. Et la lassitude s’est installée. Pas en raison des sujets – au contraire. Chaque jour des faits sont à relayer, des histoires à raconter – à condition de pouvoir encore s’y rendre et y travailler. Mais lassitude face au manque d’intérêt… Tant qu’il ne se passe rien de « spectaculaire » (à supposer que le maintien au pouvoir de l’un des commanditaires du pire massacre de l’histoire récente mondiale ne le soit pas assez), les médias français, politiques (et lectrices et lecteurs français ?) ne s’intéressent pas à l’Egypte. Alors il faut intégrer que les informations sont connues – de la torture systématisée à l’explosion des condamnations à mort et exécutions, pour ne citer que des exemples « spectaculaires » – et comprendre que l’État français s’y soumet.

Quand Abdelfattah Al-Sissi a été reçu en France en 2017, Emmanuel Macron a déclaré « la France ne donnera pas de leçons » et il avait raison. Il serait en effet temps de comprendre que ce n’est pas le rôle de la France, qui aurait plutôt intérêt à se pencher sur son passé et ses politiques actuelles. Justement, observer l’actualité française autour des « Gilets jaunes » confirme que l’État français soutient l’actuel régime égyptien par conviction. Soutenir un coup d’État dans un cas, le dénoncer dans l’autre ; favoriser les intérêts à courts termes ou non… Entre l’Egypte, le Vénézuela, la Syrie, Israël – pour ne citer que ces pays – la ligne politique est tout simplement illisible et affaiblit la France, voire la met en danger. Combien de temps cela pourra-t-il encore durer ?

Bien sûr, nous pourrions écrire des pages et des pages sur la politique française en Egypte, y consacrer des articles et dossiers (nous l’avons fait depuis 2012) mais cet article ne sera pas plus long. Les faits et critiques sont sus, connus et reconnus. L’État français a fait son choix alors que la révolution égyptienne se poursuit, bon gré, mal gré. Une certitude en tant que journaliste qui suit le sujet depuis 2011 : c’est là un mauvais choix et la France en paiera à plus ou moins long terme les conséquences.

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Illustration : Dessin rue Mohamed Mahmoud, Le Caire, 2011. Crédits : Warda Mohamed

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Journaliste et co-fondatrice du média Ehko.info.

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